Histoire d'un genre
> Les précurseurs
> Les pères fondateurs
> L'école anglaise
> Une école Franco-Belge
> La loi du milieu
> Le roman noir américain
> Le roman noir français
> Le néo polar
> Aujourd'hui, ça continue...
> Affaire de femmes
> Des collections
> De l'espionnage
> Romans historiques
> Blackploitation
> Le thriller
> Quelques inclassables


Une école Franco-Belge

 L'ouverture de la collection Le Masque à des auteurs francophones permet l'émergence d'une nouvelle voie. Le Masque donne ainsi la parole à des auteurs qui cherchent à se libérer des règles de Van Dine (même si l'on reste dans les règles du roman classique).
Et vous me direz, pourquoi franco-belge cette école ? Peut-être tout simplement en rapport avec la nationalité de nombre des auteurs de ce courant ! (élémentaire...)

 C'est Pierre Véry qui, le premier, veut " rénover la littérature policière en la Les disparus de Saint-Agil. Edition Folio juniorrendant poétique et humoristique... ". Il crée ainsi Prosper Lepicq, avocat dont le passe temps est de traquer les criminels afin d'assurer leur défense et ses revenus. Mais il fait surtout sensation en introduisant le merveilleux dans les délits de droit commun.
Le testament de Basil Crookes (1930), L'assassinat du père noël (1934), Les disparus de Saint-Agil (1935), ou Goupi mains rouges (1937) en sont les exemples les plus visibles parmi les 28 romans qu'il écrira.

 S.A. Steeman, belge de son état, passionné du genre crée des personnages tels que Mr Wens, ancien policier à son compte ou Aimé Malaise, personnage à la Maigret (avant l'heure).
Il construira une œuvre en phase avec son époque, dont le parfait Autopsie d'un viol (1964) ou L'assassin habite au 21 (1939) et Quai des Orfèvres rendus immortels par la caméra d'Henri-Georges Clouzot.

 Comme pour démontrer que le polar n'est pas un ghetto, Claude Aveline écrivain loué par les intellectuels, essayiste " sérieux ", se lance dans ce genre si décrié avec La double mort de Frédéric Belot (1932). Un peu de provocation, comme pour se divertir...à visage découvert.
Entre 1932 et 1970 il construira ainsi un cycle autour de Belot avec sa fameuse Suite policière (Voiture 7, Place 15, L'abonné de la ligne U, Le jet d'eau et L'œil de chat) adaptée à la radio ou à la télévision.


 On retrouve également Charles Exbrayat dans les premiers rangs, même si sa conversion au genre, à l'âge de 51 ans, peut paraître un peu tardive. Elle avait trop de mémoire (1957) est ainsi son premier polar (publié au Masque), suivit de La nuit de Santa Cruz (1958) et Vous souvenez-vous de Paco ? pour lequel il décrochera de prix du roman d'aventures en 1958. Il devient ainsi en quelques années la vedette de la collection Le Masque.Le dernier des salauds. Exbrayat
Parmi les quelques cent titres que compte son œuvre, les plus célèbres resteront ceux mettant en scène le commissaire Roméo Tarchinini de la police de Vérone (dont Chewing-gum et spaghettis, Le plus beau de bersagliers ou Chianti et coca-cola) ou Imogène McCarthery, fougueuse écossaise qui ne craint ni la castagne, ni le " single malt " (Elle sévit dans sept livres : Ne vous fâchez pas Imogène, Imogène est de retour, Encore vous, Imogène ? , Imogène, vous êtes impossible ! , Notre Imogène, Les fiançailles d'Imogène et Imogène et la veuve blanche).

 Mais l'auteur le plus marquant de cette mouvance reste sans doute Georges Maigret et les témoins récalcitrantsSimenon, l'homme aux 400 livres (soit un tous les quatre mois !) et dont les tirages traduits en 55 langues (550 millions d'exemplaires vendus) dépassent ceux de la Bible ; le père du célèbre Commissaire Maigret.
La critique, parfois boudeuse, aura beau le qualifier de " Balzac du pauvre " Simenon n'en sera pas moins le chroniqueur d'un monde en mutation. Fidèle à l'univers de ses origines "où chacun trouve sa place" et à la convivialité des "petites gens", il pourfend le progrès, les artifices, la bourgeoisie. Dès lors, apparaît en filigrane des enquêtes du commissaire Maigret l'éternelle lutte entre tradition et progrès, et plus largement entre le bien et le mal.
Simenon déclinera en 76 romans ou nouvelles la devise de son commissaire de héros " comprendre et ne pas juger ". Des récits dont la force est de raconter simplement des choses d'une noirceur extrême.
Le premier roman officiel dans lequel apparaît le commissaire est Pietr le letton (1929).