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 Le néo polar
France début des années 70. Le chemin ouvert par les Amila,
Ryck ou Siniac et qui éloignait la Série Noire et ses auteurs du strict
cercle des truands débouche sur la vague de contestation post 68. Le roman
policier français se fait le porte-voix de la dénonciation des inégalités,
du racisme, des injustices et des magouilles du pouvoir. Un roman social,
des anti-héros violents en guerre contre la société et des auteurs
oscillant entre l'image de la décadence de la société d'aujourd'hui et la
nostalgie des polars d'hier.
En tête de cortège, Jean-Patrick Manchette
qui entre à la Série
Noire en 1971 avec Laissez
bronzer les cadavres (co-signé par Jean-Pierre Bastid), un polar
qui sentirait bon le Larzac trash s'il ne se déroulait pas dans un hameau
abandonné dans le Gard, après un hold-up. Viennent
ensuite les « politiques » comme L'affaire N'Gusto (lire Ben
Barka) ou Nada (1972), réflexion sur le gauchisme et le
terrorisme. Le petit
bleu de la côte ouest (1976), Fatale (1977), ou son
dernier roman La position du tireur couché (1982) (un régal !)
traitent de thèmes plus classiques. Manchette devient ainsi au
néo-polar ce que Malet était au roman noir : un maître incontesté, suivit
de près par un autre maître du genre :
 Jean Vautrin, l'homme qui venait du cinéma
(sous son vrai nom Jean Herman), vote A bulletins rouges en 1973,
conteste avec le sourire avec Billy ze
kick (1974), dépeint un véritable Guernica banlieusard avec
Booldy Mary (1979) et persiste et signe avec Groom
(1980) et Canicule (1982). Autant de fleurs de poésie dans un
monde de béton…
Et puis :
Marc Villard met en scène des losers pas
toujours magnifiques, à la Goodis, dans des romans courts, denses au style
ciselé comme Légitime démence (1980), Nés pour perdre
(1980) ou Corvette de nuit (1981).
Frédéric H. Fajardie (Ronald Moreau à
l'état civil) fait éclater une petit bombe dans l'univers du polar avec
Tueurs de flic (1979) et enfonce le clou avec Le souffle
court, Clause de style et La théorie du 1%.
Hervé Prudon brille dans des exercices de
style : Mardi gris (1978) ou Tarzan malade (1979),
jusqu'au délire (Banquise en 1981)
Joseph Bialot nous promène dans Paris sur
les traces de Malet : Le salon du prêt à saigner (1978) dans
Le sentier ou Babel ville (1979)
Sébastien Japrisot écrit Compartiment
tueurs, La dame dans
l'auto avec des lunettes et un fusil (1966)
(génial !), scénarise Le passager de la pluie, La course du lièvre à
travers les champs, et devient l'auteur français le plus adapté au
cinéma
Jean Bernard Pouy, l'homme des trains (il
écrit un roman ferroviaire avec Pennac et Raynal La vie duraille
signé JB Nacray) livre à la Série
Noire Nous avons brûlé une sainte, Suzanne et les ringards, La
pêche aux anges, L'homme à l'oreille croquée, Le cinéma de
papa…
Thierry Jonquet explore le monde des
exclus dans Mémoire en cage (des internés psychiatriques) ou
Le bal des débris (des vieillards dans un hospice) pour ensuite
serial killeriser dans Le manoir des immortels, Mygale, Le bête
et la belle, Les orpailleurs ou encore Moloch (roman qui lui
vaudra un procès, évoquant une affaire réelle).
 La contestation politisée reprend ses droits avec
Didier Daeninckx : Meurtres
pour mémoires (1984) lie la déportation des enfants juifs et le
massacre de 200 algériens à Paris le 17 octobre 1961. Le point commun ?
Veillut (lisez Papon.). Le der des ders explore les zones d'ombre
de la première guerre mondiale. C'est aussi Métropolice (métro et
terrorisme) ou Main
courante, excellent recueil de nouvelles.
Gérard Delteil explore les coulisses de la
banque (Votre argent m'intéresse), les milices d'autodéfense
(Les chiens de garde), la déprime dans les grands ensembles
(Coup de cafard), l'univers carcéral (Festin de crabe),
les grossistes en viande et les sociétés de gardiennage (Riot
Gun), les trafics en tous genres (Pièces détachées) ou
encore les pratiques du système des magasins franchisés (La confiance
règne).
 And last but not least, on retrouve avec l'univers de
Jean François Vilar cette exploration de l'histoire
mâtinée d'engagement politique. C'est toujours les autres qui
meurent, 1982 (Marcel Duchamp et les surréalistes), Passage des
singes, 1984 (l'assassinat de Denis Locke), Bastille
Tango (les juntes militaires argentines), Les
exagérés, 1989 ( la révolution française) et pour l'instant son
dernier roman (et on espère que c'est provisoire !) Nous
cheminons entourés de fantômes aux fronts troués, 1993. Pour de
vrai, un auteur majeur et Victor Bainville un personnage
incontournable!
Tous ont ainsi modifié, transformé, réformé le fond ou la
forme d'un genre en pleine explosion.
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