Histoire d'un genre
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Aujourd'hui, ça continue...

 Forte de ces influences, de ces évolutions, de ces références, de cette histoire, de cet héritage, bref forte de tout ça c'est une nouvelle génération qui entre en Trois carrés rouges sur fond noirscène... plus que jamais témoin inspiré de son époque. En France le roman noir nouveau est arrivé avec des auteurs comme
Tonino Benacquista dont les multiples métiers (parfois improbables) lui inspirent La maldonne des sleeping (couchettiste dans le Paris-Venise), Trois carrés rouges sur fond noir (accrocheur de tableau dans une galerie), La comédia des ratés.Même si Saga commence par l'intervention de la police sur les lieux d'un crime, ce n'est pas à proprement parler un policier, mais c'est un roman particulièrement drôle...

 Les romans engagés de Jean Claude Izzo entrent en force à la Série Noire: la Total Khéopsmagistrale trilogie marseillaise : Total Khéops (1995) (trophée 813 du meilleur roman), Chourmo (1996) puis Soléa où Fabio Montale, flic pas comme les autres balade sa mélancolie, ses désillusions et ses indignations avant de mourir.
Patrick Raynal lui aussi nous entraîne au sud, à Nice sa ville natale. Ce directeur de la Série Noire, créateur de La Noire, fait ses débuts en 1982 avec Un tueur dans les arbres (un flingueur spécialisé dans les personnalités d'extrême droite). Avec La clé de seize (1983) on entame la période niçoise : Nice, 42ème rue (1985), Nice Est (1988).
Fenêtre sur femmes
sera prix Mystère de la critique en 1989 (hommage à Chandler), Arrêt d'urgence, prix Jazz Polar 1990.

C'est aussi
 Paul Halter qui décline le thème du crime impossible dans la lignée de Dickson Carr avec son triptyque La malédiction de Barberousse (prix de la Société des Ecrivains d'Alsace et de Lorraine en 1986), La quatrième porte (prix du festival de Cognac 1987) et Brouillard rouge (prix du roman d'aventures 1988).
 Jean-Jacques Fiechter et son élégant Tiré à part (1993), crime parfait dont l'arme est un livre.
Babylon babies Maurice G. Dantec réinvente le road-movie (si je puis dire) avec La sirène rouge (1998) et nous livre des polars paranoïaco-technologiques inclassables avec Babylone babies (1999) et Les racines du mal.
 
 Jean Christophe Grangé, dans une veine nomade et technologique (mais nettement moins parano) : Le vol des cigognes, Les rivières pourpres (adapté au ciméma par Mathieu Kassovitz) ou Le concile de pierre (un peu déroutant).
 Antoine Bello, Eloge de la pièce manquante (1998), meurtres en série sur fond de tournoi professionnel du puzzle de vitesse dont la construction rappelle Perec.
 Robert Deleuze entame lui un cycle romanesque autour d'une ville imaginaire durant 50 ans dans Chroniques d'une ville exemplaire ( Retour de femme, Anatomie d'un suicide et Vues sur guet-apens). Deux autres ouvrages devraient clôturer ce cycle.
 Encore un peu à part, Daniel Pennac relève le défi lancé par ses amis Pouy et Raynal et publie Au bonheur des ogres (1985) donnant naissance à Benjamin Malaussène, sa tribu et toute une galerie de personnages totalement décalés, évoluant dans un Belleville nostalgique.
La fée carabineLa fée carabine (sans doute le plus réussi) suit en 1987, puis Pennac rejoint la littérature blanche avec La petite marchande de prose (prix Inter 1990). Monsieur Malaussène clôture cette saga aux intrigues plus loufoques que policières.

Les anglo-saxons
Donald E.Westlake explore et revisite les codes et les mythes du genre. Gros coups ou petites arnaques, caïds ou truands à la petite semaine, assassins occasionnels... autant de personnages prêts à servir des intrigues étonnantes et subversives. Château en esbroufe (démontage d'un château pierre par pierre), Le paquet (la banque ayant provisoirement établi ses quartiers dans un mobile home, on va l'embraquer au lieu de la braquer), Aztèques dansants (des escrocs en quêtes d'une statue en or massif), Faites-moi confiance (voyage au pays du scoop), Smoke (l'homme invisible comme vous ne le verrez jamais plus), Le contrat (Faust revisité. Deux écrivains. L'un en panne d'idée et l'autre en panne d'éditeur) ou Le couperet (ou comment retrouver du travail en éliminant les concurrents).

Dans cette même veine d'humour un peu noir, on retrouve

  Lawrence Block (il paraît qu'ils sont amis), devenu célèbre avec Matt Scudder ancien flic alcoolo désormais privé sobre et sans licence qui apparaît dès Les lettres mauves1976. A lire (dans l'ordre si possible) 8 millions de façons de mourir (incontournable !!)(1982), Tuons et créons, c'est l'heure, Une danse aux abattoirs, Un ticket pour la morgue ou Le blues des alcoolos. Autre personnage récurrent : Bernie Rhodenbarr, cambrioleur-libraire très consciencieux dans Spinoza connection, Le blues du libraire ou Les lettres mauves.
La ville de New York tient également un rôle important dans ses romans, tissant une belle toile de fond.

 Autre citadin hors paire, Herbert Lieberman et son magistral Nécropolis (1976) qui nous plonge dans l'univers plus que sombre d'un médecin légiste. Il en ressort un des très beau livres sur New York et un modèle de pathologie criminelle qui en inspirera plus d'un, et faisant de Lieberman un grand traqueur de serial killers.
A lire également : La maison près du marais (1971)(son premier livre), Le concierge, Le tueur et son ombre ou Le maître de Frazé (1993) (orientation fantastique).

 Et quand il s'agit de serial killers (un des grands thèmes de cette génération) James Ellroy n'est pas en reste. Son histoire personnelle (le meurtre jamais élucidé de sa mère alors qu'il avait 10 ans) le pousse jusqu'à l'obsession dans cet univers de Le dahlia noirmort, de sexe et de crime, donnant les pages les plus sombres et les plus violentes du roman noir américain. Clandestin (1982), Le Dahlia noir (1987) qui ouvre le Quatuor de Los Angeles (Le grand nulle part (1988), L.A. Confidential (1990) et White jazz en 1991)
et Ma part d'ombre (1996) évoquent cruement l'affaire. Il entamme ensuite une trilogie, intitulée Underworld USA avec American Tabloïd (1995). Son œuvre dresse ainsi une galerie de personnages vils évoluant dans une société gangrenée par la corruption, la violence, les crimes (atroces) et la laideur. La face cachée de l'histoire (surtout les années 50 et 60) d'une Amérique qui « n'a jamais été innocente ».

 Le poète (1998) de Michael Connelly est un grand livre sur le thème des tueurs en série. Ce roman obtiendra le prix Mystère de la Critique et c'est pas un hasard ! Connelly, grande révélation des années 90 est aujourd'hui un des auteurs les plus lu aux Etats Unis et le plus primé : Les égoûts de Los Angeles (1993) prix Calibre 38, Créance de sang (1999) Grand prix de Littérature Policière (et adapté au cinéma par Clint Eastwood). On retiendra également La lune était noire (un casse dans un casino de Las Vegas).

 Autre cycle profondément lié à New York, celui de Jérôme Charyn. Il a longuement fréquenté la brigade criminelle de Brooklyn aux côtés de son frère , arpentant les rues, confronté au quotidien des cellules, morgues et hôpitaux. De cette expérience brute va surgir la fameuse trilogie Zyeux-Bleux, Marylin la Dingue et Kermesse à Manhattan.

 C'est en prison qu'Edward Bunker écrit Aucune bête n'est aussi féroce (1972) (il est condamné au total à 25 ans pour faits de banditisme).Viennent ensuite La bête contre les murs et La bête au ventre, formant la trilogie Les bêtes de ce désormais ex-taulard. Il décrit dans un style à la Tarantino (il sera d'ailleurs le Mister Blue de Reservoir dogs) le milieu du crime et l'univers carcéral.

Les serpents de la fontière James Crumley nous ouvre les grands espaces d'une Amérique poussiéreuse (sans oublier sa mythique frontière mexicaine) arpenté par Milo Mioldragovitch, le privé le plus alcoolique et le plus drogué de l'histoire du genre. Des romans entre western et roman noir : Le canard siffleur mexicain, La danse de l'ours ou Les serpents de la frontière...

 Le roman noir américain, dans sa diversité, a généré deux satellites fous, aux polars inclassables. A ne manquer sous aucun prétexte (vrai):
 Michael Guinzburg (l'enragé) : L'irremplaçable expérience de l'explosion de la tête (réellement irremplaçable !), Envoie moi au ciel Scotty, Gangster en rouge (chez Librio noir pour une bouchée de pain) ou Le plombier des âmes.
 Harry Crews, le massacreur de clichés, le peintre d'une Amérique Bodymonstrueuse aux petites villes minables collectionnant les tarés. Un univers sans limite. Body (dans l'univers des concours de culturisme), Car (ou comment avaler une voiture par petits morceaux pour figurer au livre des records), La foire aux serpents, Le roi du K.O (un boxeur au punch terrible mais à la mâchoire de verre), La malédiction du gitan (freak)...

Et la perfide Albion...
 Robin Cook (à ne pas confondre avec son homonyme américain auteur de thrillers médicaux, sur ordonnance uniquement !) secoue l'Angleterre du « tea time » avec Bombe surprise (1993) et Vices privés, vertus publiques. Après une installation dans l'Aveyron qui fait de lui le plus frenchie des auteurs anglais, il entame le cycle de « l'usine » avec Les mois d'avril sont meurtriers, J'étais Dora Suarez...
 Anthony Frewin London blues (une bien sale affaire que cette affaire Profumo) et Lee Harvey Oswald affaire classée
Une Mercedes blanche avec des ailerons James Hawes, Une Mercedes blanche avec des ailerons (ou comment braquer la plus grande banque privée londonienne quand on n'a jamais tenu une arme ?)
 Stephen H. Bogart (le fils de son père) Play it again
 Peter Loughran, Londres express (enfin réédité), chronique d'un crime ferroviaire monstrueux.
 Colin Dexter (ancien professeur de latin-grec) et son inspecteur Morse amateur de poésie, de musique classique et de mots croisés résolvant des énigmes complexes dans l'univers feutré de la bourgeoisie universitaire.
 Ted Lewis, né à Manchester en 1940 et mort d'alcoolisme trente-six ans plus tard nous laisse huit romans où les gens sont tous méchants, vicieux, malsains, où l'on navigue dans les milieux de la pornographie et de la prostitution, les bas fonds. Un ton dur et sous tension.
Les imanquables : Get Carter, Sévices, Jack Carter et la loi, Plender...

Contre le reste du monde
 Arturo Pérez-Reverte fait une entrée remarquée dans le monde du polar avec son Tableau du maître flamand (qui obtient le prix de la littérature policière en 1993), entre art, peinture et échecs. On retiendra également Le maître d'escrime et Le club Dumas (La neuvième porte pour Polanski).
Juste une petite parenthèse pour évoquer Iain Pears (un Britannique amoureux de l'Italie) dans cette veine du polar littéraire (Le cercle de la croix, L'affaire Raphaël, L'affair Bernini...)
 
Henning Mankel, ou le polar suédois bien loin des clichés de banquises. Le guerrier solitaire (1999), La cinquième femme (2000), La muraille invisible (2002)...
L'affaire D. ou la crime du faux vagabond Les polars à quatre mains de Fruttero et Lucentini dont La femme du dimanche (1972) qui fit date en Italie ou Le mystère d'Edwin Drood autour du roman inachevé de Dickens.
 Jaime Collyer, El Infiltrado. Un intello au chômage tente de survivre à la dictature (Chili)
 Et quelques japonaiseries : Yokomizo Seichi, Le village aux huit tombes (Un tueur en série dans un petit village japonais), Kyôtarô Nishimura, Les grand détectives n'ont pas froid aux yeux (ils sont tous là...), Miyuki Miyabe, La librairie Tanabe (un club de détectives amateurs...)